
Le refuge de Barroude a été réduit en cendres il y a quelques jours. Une destruction certainement due à la foudre. Heureusement le refuge n’était plus gardé à cette date et aucune victime n’est à déplorer.
Ce refuge a été construit en 1973 aux abords du lac de Barroude, à une altitude de 2377m, au cœur de l’écrin exceptionnel des murailles de calcaire reliant le pic de Troumouse au pic de la Gela. Gardé par Rozenn et Eric, sa capacité était de 35 couchages l’été. Non gardé en hiver, quelques couchages étaient à disposition des randonneurs. Son architecture sobre et sa toiture de tôle sombre pointant vers le ciel en faisaient une composante presque naturelle de ce lieu unique.
Comme beaucoup d’amoureux des Pyrénées et surtout de ce magnifique endroit, c’est avec un nœud au ventre que j’ai appris la triste nouvelle. Et m’y étant rendu à plusieurs reprises, je souhaitais, à travers quelques photos, évoquer les souvenirs de mes aventures à Barroude.
Mon premier séjour au refuge remonte au mois d’août 2005.
Il s’agissait de la première randonnée que j’effectuais avec un guide (Davys, du bureau des guides de Saint-Lary). Nous étions montés par une magnifique journée ensoleillée. L’enchantement était total pour ma première découverte : l’ascension douce de l’immense vallée de la Géla, avec l’apparition progressive des impressionnantes murailles calcaires, puis les lacets plus pentus dans les rochers, afin d’atteindre le replat au pied des falaises et des éboulis. Enfin, la marche aisée à travers les roches éparses, à la rencontre des marmottes et des troupeaux de moutons, jusqu’à ce que la haute toiture du refuge se dévoile sous le Port de Barroude. Quelques dizaines de mètres plus loin, lorsque le sentier bifurque à gauche vers l’entrée du refuge, apparaît sur la droite, blotti entre une rive minérale et la prairie, le grand lac de Barroude et ses formes irrégulières et rocheuses, qui m’ont immédiatement fait penser à ces paysages d’Ecosse…
Je me souviens de notre arrivée au refuge : la fille de Rozenn et Eric était en bas âge, et sa grand-mère en séjour au refuge l’accompagnait sur les berges du lac.
Après avoir pris nos repères à l’intérieur du refuge, première promenade : la vallée de la Géla était encore plus belle depuis les abords du petit lac, et le Pic Gerbatz, si caractéristique, était couronné par un nuage qui semblait ne pas vouloir s’en détacher. Le début des années 2000 avait été chaud et peu arrosé : le glacier ressemblait à un petit névé, et la neige était presque inexistante sous la muraille.
En soirée, alors que nous partagions le dîner sur les grandes tables avec des convives encore inconnus quelques heures auparavant, mais amis d’un soir dans cette ambiance chaleureuse typique des refuges, le ciel s’était couvert progressivement pour cacher à nos yeux le merveilleux décor. La nuit fut animée par un bel orage et, m’étant installé près de la fenêtre du dortoir, j’avais profité du spectacle…
Après un copieux petit déjeuner, nous avions salué nos gardiens et repris la marche vers l’objectif de notre randonnée : l’ascension du Pic de la Géla. Les isards nous avaient devancés sur les crêtes.
Malgré quelques nuages, le beau temps était revenu et ce sommet nous a offert ce qui reste pour moi le meilleur point de vue sur Barroude, fantastique apothéose de ce premier séjour !
En 2008, j’y ai effectué deux séjours.
Au début du mois d’août j’avais convaincu trois amis de m’y accompagner pour passer la nuit au refuge. La neige était beaucoup plus présente et nous avions pu observer de nombreux isards. Nous étions arrivés en fin de matinée alors qu’Eric installait l’enclos de l’âne en contrebas du refuge.
Après un déjeuner sur les berges du lac, nous avions prolongé la promenade vers le Pic de Barrosa puis le Pic de Port-Vieux, qui surplombe les lacs et offre un panorama magnifique sur le cirque de Barroude.
Nous avions ensuite passé une magnifique soirée au refuge (et travaillé les langues étrangères en compagnie d’un couple d’Anglais et d’une famille Espagnole) avant de reprendre le chemin du retour vers Saint-Lary au petit matin, croisant de nouveaux isards, les marmottes et même un renard assoupi.
J’y suis retourné en toute fin du mois de septembre avant la fermeture du refuge, accompagné par mon père, avec qui j’adore partager mes randonnées Pyrénéennes.
Nous avions débuté l’ascension en fin de matinée par la vallée de Badet et la Hourquette de Chermentas. La lumière en cette saison était magnifique malgré le ciel nuageux, sous lequel les vallées semblaient en mouvement incessant. Les isards, toujours plus nombreux, et les marmottes bien grasses étaient à nos côtés pour notre arrivée au lac.
Nous nous sommes installés au refuge, peu fréquenté ce week-end là. Après un tour du grand lac, transformé en véritable miroir après que le soleil se fut caché tôt derrière la muraille, nous avons partagé un excellent dîner et passé une agréable nuit.
Habitués aux randos estivales, où il faut privilégier la marche matinale pour profiter d’un ciel dégagé, nous sommes partis pour le Port de Barroude au petit matin pour que mon père découvre les deux sommets que j’avais atteints quelques semaines plus tôt.
Malheureusement nous progressions au cœur du nuage et dans la rude gelée matinale. Le miracle s’est produit alors que nous longions les crêtes : l’un des premiers rayons de soleil s’est faufilé sous les nuages pour atteindre la muraille et nous offrir une éphémère parcelle d’eldorado… L’atmosphère était magique et mon souvenir de cet instant reste intact aujourd’hui !
Nous avons continué cette irréelle randonnée mêlant lumière rasante, volutes nuageuses et gelée blanche : j’ai pu immortaliser mon spectre de Brocken sur les pentes du pic de Port-Vieux.
Et pour apporter un peu de nouveauté, nous sommes redescendus par Port-Vieux pour rejoindre la vallée de la Géla, alors que les nuages commençaient seulement à nous laisser de belles occasions d’apercevoir les murailles.
Après une longue période de découverte d’autres joyaux Pyrénéens, je suis revenu à Barroude à la fin du mois de juin 2013.
J’avais choisi de rejoindre le refuge par le versant espagnol en ce début d’été. L’hiver avait été long et les chutes de neige exceptionnelles. J’ai découvert le cirque de Barrosa sous un soleil ibérique radieux avant de traverser de nombreux névés.
Depuis le Port de Barroude, j’ai été littéralement stupéfait par la quantité de neige qui persistait face à moi, et à la vue des lacs complètement gelés !
La descente fut aisée dans une neige fondante mais le ciel s’est progressivement couvert alors que je côtoyais quelques marmottes prudemment proches de leurs tanières blanches. Je croisais quelques randonneurs aux abords du lac aux reflets en noir et blanc, tandis qu’une marmotte rejouait « la marche de l’empereur » sur la banquise au pied du refuge.
Rozenn, seule au refuge alors qu’Eric était resté en vallée en attendant les vacances scolaires de Daphné, m’avouait son inquiétude : la saison avait un mois de retard et il était impossible aux troupeaux d’atteindre cette altitude alors que les estives plus basses ne subvenaient plus à leurs besoins.
Nous avons néanmoins passé une très belle soirée en compagnie de deux couples et d’un habitué qui s’apprêtait à escalader, avec piolets et crampons, le pic de Troumouse avant l’aube suivante.
Sur les conseils de Rozenn, je me suis moi-même levé avant l’aurore pour m’offrir le plaisir d’observer le lever de soleil sur les murailles. Un peu plus tôt aurait été encore mieux… Mais sans atteindre l’apothéose dorée que l’on rencontre parfois avec un peu de chance, la palette de couleurs qui m’a été offerte m’a enchanté et mis en appétit pour le petit déjeuner.
J’ai effectué le retour par le même chemin, sous les yeux d’un isard solitaire et de nouvelles marmottes, et après un dernier regard sur le Barroude blanc, j’ai basculé vers l’Espagne alors que la lune se couchait derrière la Munia.
Enfin, mon dernier rendez-vous avec Barroude date de juillet 2014.
Si nous n’avons pas passé la nuit au refuge, nous avons tout de même entrepris, avec mon père à nouveau, de présenter à deux de mes neveux ce lieu magique.
Nos trois générations, bien matinales, ont arpenté le sentier bien avant le lever du soleil. Et bien nous en a pris puisque nous avons pu avancer sous les premiers rayons du soleil, jusqu’à la petite passerelle, porte d’entrée de la Géla face aux murailles dorées, devançant les nuages valléens.
Ces nuages nous ont suivi jusqu’aux abords de Barroude, où nous avons fait une pause près du refuge, afin de profiter un peu de la beauté du lac et du glacier progressivement reconstitué.
Nous avons repris notre bonhomme de chemin vers le Port de Barroude, puis vers le Pic de Port-Vieux où nous avons déjeuné sur la plus belle terrasse au monde, face à Barroude…
C’est de là que j’ai vu pour la dernière fois le refuge, puisque nous sommes redescendus par Port-Vieux pour rejoindre la vallée…
De magnifiques souvenirs que je partage sans aucun doute avec les nombreux pensionnaires d’un soir de ce refuge. Bien entendu il sera toujours possible au plus grand nombre de se rendre à Barroude pour un aller-retour à la journée. Pourtant, pour celles et ceux (nous en connaissons tous) dont les capacités sont plus limitées, la possibilité de profiter du gîte et d’un repos mérité avant de rentrer était une véritable chance, désormais révolue. J’appelle de mes vœux la reconstruction de ce refuge, étape de la HRP (haute route Pyrénéenne) et propriété du Parc National des Pyrénées, afin de donner à Rozenn et Eric la possibilité de nous accueillir à nouveau.
Désormais, pour les amoureux de la Vallée d’Aure qui souhaitent dormir en refuge, deux alternatives restent possibles dans les vallées voisines :
le refuge de l’Oule, récemment rénové et agrandi, situé aux abords du lac de l’Oule, et qui offre la particularité d’être gardé l’hiver et accessible depuis les pistes de la station de ski de Saint-Lary Soulan ;
le refuge de Bastan, situé sur le mythique GR10, près des lacs du même nom, à l’architecture identique à celle du refuge de Barroude.
Cet article est dédié à tous les « Barroudeurs »…
Article magnifique, qui nous fait vivre ce site remarquable et sublime, que j’ai pris plaisir à découvrir et admirer cet été, en septembre.
Magnifique… Refuge où nous avons amener nos trois enfants l’été denier
oh ces photos très belles! nostalgie! merci pour cet article, je repense souvent à mon séjour 1 mois avant le drame.
Magnifique article rendant hommage à ce refuge dont j’ai si souvent entendu parlé mais que malheureusement je n’est jamais vu
très bel article!
Magnifique